Les démolisseurs de l’école

(Pour ne pas mourir de la postmodernité)

De Jacques Ponnier

Editions : Librinova

ISBN : 979-10-262-8275-4

Sciences humaines et sociales, Philosophie, Education, Politique et Société

Ma cote : 8 / 10

Ma chronique :

« La pensée en danger » (tome 2) ne m’est pas avant tout apparu comme un essai à propos de la gestion du mode pensée de notre société et, plus particulièrement, de son Ecole publique. Je l’ai davantage reçu comme un pamphlet, au ton polémique, violent et agressif qui prend essentiellement pour cible ce que l’auteur appelle les ‘pédagogistes’ et un de ses représentants, Jean Houssaye à qui on prête (un peu facilement, peut-être) la paternité de la défense d’un changement de paradigme dans l’enseignement qui voudrait imposer le triangle pédagogique Elève (acteur) – savoir- expérimentation en lieu et place du triangle Maître – savoir – élève (récipiendaire).

Cela étant posé, j’ai lu avec attention, parfois compréhension et sympathie, parfois révolte et rejet, les assertions de l’auteur qui ont le mérite de promouvoir une réflexion et une relecture des pratiques pédagogiques qui ont été les miennes durant ma carrière, celle-ci ayant débuté en 1970 alors que déjà étaient prônés dans le système scolaire belge les ‘travers’ et les ‘illusions impossibles à réaliser’ que dénonce l’auteur, Jacques Ponnier.

Comme souvent dans ce genre d’écrits, l’auteur, par conviction sans doute, se laisse aller à des outrances et des généralisations qui réduisent les enseignants et l’Enseignement à des caricatures bien pauvres à côté des réalités que j’ai pu vivre durant tant d’années.

Peut-on entendre sans suspecter une généralisation abusive une idée telle que : « Ces ‘pédagogistes’, disciples de Freinet et de Montessori, détestent ceux que l’on nomme les bons élèves. » ou encore admettre sans plus de nuances l’idée de la suprématie d’une méritocratie si souvent prônée par ceux qui n’ont donné cours qu’à des élèves qui ne connaissaient pas, ou si peu, de difficultés scolaires, sociales et familiales. Pour ceux qui ont tâché d’accompagner des élèves cabossés de la vie dans la construction d’un savoir et, à travers elle, la construction de citoyens pouvant trouver leur place dans une société juste, il est dur d’admettre qu’on puisse encore affirmer sans plus de nuances que « Les inégalités scolaires relèvent pour une grande part des différences de mérite et non des différences de statut, ce qui les rend au moins partiellement légitimes. »

Mais je le répète, la prise de parole d’un auteur tel Jacques Ponnier a le mérite d’ouvrir, j’ose l’espérer, un espace de réflexions échangées permettant à chacun de nuancer ses positions extrêmes et de trouver un équilibre en dehors de tout absolu. Son écriture, le plus souvent, est assez compréhensible, même pour qui n’aurait pas étudier et pratiquer les sciences de l’éducation (appellation qu’il réfute, l’auteur n’aimant pas le caractère scientifique attribué, injustement à ses yeux, à des essais, tentatives, recherches et balbutiements qui ne méritent pas qu’on attribue à la démarche les faisant naître un label scientifique). Et si on aborde ce livre avec cette ouverture d’esprit, on y découvre, effectivement, un essai qui a le mérite d’exister et, en principe, de ne laisser personne indifférent.

Je recommande donc la lecture de cet ouvrage. Il est à remarquer, par exemple, que la position de l’auteur n’est pas la trop fréquente classique tentative d’évitement du changement qui se résume par la phrase si souvent entendue en formation continuée du monde pédagogique : « Mais tout cela, on le fait déjà, on l’a toujours fait ! ». Il y a, de la part de Jacques Ponnier, de vraies prises de position de rejet, regret à tout le moins, qui dénonce, en argumentant sa position, la modification des pratiques qui se fourvoient, à grands frais, dans un enseignement qui ne forme plus l’élève et appauvrit le potentiel de notre civilisation. Telle est la position, réfléchie, de l’auteur. En présence d’un tel travail de remise en cause, l’honnêteté intellectuelle se doit de ne pas nécessairement tout accepter comme ‘paroles d’évangile » mais de tout passer au crible d’une confrontation honnête des expériences de chacun.

Avec prudence, recul et réflexion, il y a là un terrain ouvrant à une recherche pouvant viser une plus grande efficacité, voire efficience, dans la formation de nos têtes blondes – ou pas -, le tout dans un vrai souci de servir, à la fois l’identité profonde de chaque individu et la richesse fondatrice d’une société multiculturelle qui doit se vouloir collective et capable de s’ouvrir à tous et au service de tous. Indéniablement, le travail de l’auteur est une très belle porte d’entrée en réflexion et, à ce titre, Jacques Ponnier nous offre là un document d’utilité publique. A nous de le saisir et de nourrir l’à-venir !

Merci à Librinova qui m’a permis de découvrir ce livre et de réfléchir à ce que pourrait être un Enseignement juste et visant l’excellence.

Ce qu’en dit l’auteur :

Après avoir analysé l’idéologie de la postmodernité, j’en viens à l’examen de l’état de notre École publique. Ce n’est pas une question parmi d’autres, car l’Education nationale est ce qui est censé assurer l’instruction, et, donc, d’assurer le civisme des jeunes. La situation est, ici, très préoccupante : l’École est, depuis des années, sous la coupe des « pédagogistes », ces représentants de la postmodernité qui sont bien décidés à en finir avec la recherche de l’excellence que nous avons connue dans le passé. Ces « pédagogistes », disciples de Freinet et de Montessori, détestent ceux que l’on nomme les bons élèves. Ce sont des égalitaristes forcenés, que la baisse du niveau de l’enseignement ne gêne pas du tout et des ennemis farouches du cours magistral, cet instrument pédagogique qui a permis, jusqu’à leurs « réformes » catastrophiques, à des professeurs merveilleux de former des jeunes du même niveau d’excellence qu’eux. Depuis 1986 en particulier, notre École, malmenée par eux, ne cesse de s’enfoncer dans le marais de la médiocrité. La dernière réforme en date a allié de bonnes décisions à des mesures qui vont précipiter la chute. Il est grand temps de réagir. Le premier tome de cet essai sonnait l’alarme pour ce qui est de la société postmoderne en général, ce second tome le fait pour le fondement même de cette société, qui est sa capacité à produire des citoyens responsables par une instruction publique digne de ce nom.

4 commentaires sur « La pensée en danger (tome II) »

  1. J’ai lu énormément d’essais pédagogiques car je détiens un certificat de deuxième cycle (maîtrise) en pédagogie. Il faut absolument rester nuancer… En Amérique, plus précisément en Ontario, nous sommes au prise avec un système où l’on ne forme que pour le marché du travail. L’étudiant est un client…. Et oui!

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    1. En plein accord avec toi, Madame lit. Je pense qu’il faut garder le sens des nuances et d’un regard critique qui reste bienveillant. En Belgique, on sent aussi cette forme d’enseignement qui veut travailler au service de l’emploi, quitte à sortir l’apprentissage de nos écoles et de le faire porter par des industries qui fabriqueront la main d’oeuvre à leur main. Heureusement, il y a encore les tenants d’un enseignement qui se veut plus généralistes. Mais, en tout, tout le temps, il faut rester veilleur…

      Aimé par 1 personne

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