***Rentrée littéraire 2019 #7***

Editions : Gallimard (22/08/2019)
Par Karine TUIL
ISBN : 978 207 27 2933 1
Ma cote : 8/10
Ma critique :
La plume de Karine TUIL trempe dans un bain de vérités lorsqu’elle nous distille les élans, les tensions, les combats et les déchirements qui jalonnent la vie du couple Farel. Différemment mais à hauteur égale, Jean, journaliste de Télévision qui se sait célèbre et veut durer et sa femme Claire, connue pour ses engagements féministes, sont le reflet de ces assoiffés de pouvoir qui occupent les places que tout le monde leur envie tant que ne résonne aucun de ces bruits de casseroles que les médias, la rumeur et, très largement, les réseaux sociaux adorent alimenter, amplifier même au-delà de toute vérité ! C’est notre époque !
L’histoire de ce couple où chacun se donne les moyens de rechercher le pouvoir pourrait n’être qu’un banal exemple de ce qui existe de nos jours. Il est aussi une occasion idéale d’observer le bouleversement du jugement consensuel des personnes lorsque l’apparence, souvent courtisée, du quotidien vient se fracasser sur le rocher d’une accusation de viol qui, pour ce couple, balance sans nuance leur fils Alexandre du côté des porcs.
Assurément Karine TUIL possède toute la finesse du métier pour styliser ces soifs de pouvoir, ses conquêtes territoriales de zone d’influence, ces travers et perditions qui stagnent au fond des âmes sujettes aux lois de l’apparence, de la chosification des êtres et de la domination de l’idéologie du jetable, surtout peut-être dans le domaine des relations dites pourtant encore humaines.
Avec son roman « Les choses humaines », l’autrice réussit son pari de nous prendre dans les filets d’une actualité scandaleuse que les lecteurs vont suivre avec la passion accordée aux potins, rumeurs, fausses vérités et assertions bancales qui font les choux gras des médias de bas-étages, des zincs où défendre son point de vue coûte moins cher que le ballon de rouge ou le kawa qu’on s’y enfile. Et pour élargir le débat, on utilisera, sans retenue, toutes les messageries de la Toile qui font enfin se tenir debout tous les tweeters à grandes gueules qui auraient encore bien des choses à dire et révéler ! On suit, on débat, on commente. On en ajoute, on préjuge et condamne. La mesquine finalité étant d’enfin pouvoir se sentir supérieur aux modèles qui nous ont trop fait rêver sans qu’on ne puisse être de leur monde.
Mais avec ce même roman, c’est aussi, autre domaine d’excellence de Karine TUIL, l’occasion de proposer aux lecteurs le partage d’un regard lucide sur les faiblesses de notre Temps. A la vitesse où nous vivons, sommes-nous encore capables de discerner l’important de l’artifice ? Un enfant peut-il exister et être considérer pour lui-même avant qu’il ne devienne un problème, une tache sut l’image que revendique d’eux-mêmes les parents ? Et quel est le rôle de l’appareil judiciaire, rendre la dignité à l’humain bafoué ou accoucher d’une présentation, même fausse de la situation qui sauvera la mise à celui qui aura eu les moyens de s’offrir l’avocat le plus subtil, le plus retord ou simplement le plus habile sans recherche fondamentale de la vérité ? La Justice est-elle rendue quand on a simplement obtenu une vérité judiciaire qui permet de fixer les condamnations et indemnités à faire changer de mains ?
Les choses humaines est un roman qui se laisse lire très aisément. Le lecteur apprécie les mises en situations parfois cyniques mais ‘tellement justes’! Il ne peut que se nourrir, avec bonheur, de la capacité de l’autrice à faire surgir la complexité de la vie à partir des mots simples, colorés et pertinents qu’elle emprunte à notre belle langue…
Ne boudons pas notre plaisir. Mais, ne passons pas à côté non plus d’un essentiel. Si la toute première phrase du roman est vraie : « La déflagration extrême, la combustion définitive, c’était le sexe, rien d’autre – fin de la mystification… », si le moteur de notre société ne tourne qu’à cela, alors ce livre est à recevoir comme une interrogation profonde sur la trajectoire acceptée, assumée par le plus grand nombre. N’y a-t-il pas d’autres voies à prendre, d’autres voix pour élever le débat sur ce qui caractérise la chose humaine ? N’y aurait-il pas comme une urgence à instaurer un autre climat relationnel autour de nous ?
Karine TUIL, sans conteste, une plume à suivre !
Ce qu’en dit l’éditeur:
Les Farel forment un couple de pouvoir. Jean est un célèbre journaliste politique français ; son épouse Claire est connue pour ses engagements féministes. Ensemble, ils ont un fils, étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semble leur réussir. Mais une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale.
Le sexe et la tentation du saccage, le sexe et son impulsion sauvage sont au cœur de ce roman puissant dans lequel Karine Tuil interroge le monde contemporain, démonte la mécanique impitoyable de la machine judiciaire et nous confronte à nos propres peurs. Car qui est à l’abri de se retrouver un jour pris dans cet engrenage ?
C’est une auteure que j’aime beaucoup, qui parle des faiblesses de notre temps (très bien trouvée l’expression !) avec toujours beaucoup de justesse et une plume acérée. Ses phrases longues sont des rares qui ne perdent pas le lecteur en route.
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