Ma cote: 7 / 10
Les références:
Nulle part sur terre de Michael Farris Smith
Editions: Sonatines ISBN: 9782355846090
Parution: Sonatine 2017 pour la version française
Traduction de l’anglais (Etats-Unis): Pierre Demarty
Mon billet:
La recette a beau être connue, faire voyager des héros qui en ont plein les sabots dans la profonde Amérique des paumés et oubliés du bonheur, ça marche! Surtout quand les deux personnages ont, certes, commis des actes qu’on ne devrait pouvoir que condamner alors qu’ils sont, en fait, des personnes attachantes cherchant à vivre selon des valeurs qu’ont ne devrait pas pouvoir renier au nom d’une Loi, d’une justice.
Michael Farris Smith nous entraîne dans une histoire glauque, tragique et noire. La violence physique comme les pauvretés mentales y sont très présentes. Leurs descriptions côtoient celles d’un fin fond de pays livré à la pauvreté, la bière, la déambulation des pick-up ou le vide des échanges au bar. Quelle triste vie!
Mais il y a aussi la volonté de survivre, de se dépasser, d’aboutir. Au-delà d’une lecture agréable, en filigrane, ce livre pose la question fondamentale, à savoir « Qu’est-ce qu’un homme de bien? »
Le bémol, je l’attribuerai à la présence, par trop nombreuse, des conjonctions de coordination « et » qui alourdissent la lecture, font hoqueter les phrases et plombent quelque peu l’avancée dans l’histoire… Mais, n’est-ce pas là l’effet d’une traduction ne maîtrisant pas correctement le pouvoir de la ponctuation?
Je me réjouis de lire ‘Le pays oublié’, le prochain ouvrage de Michael Farris Smith que les éditions Sonatine sortent à cette rentrée littéraire de Janvier 2019. Le traducteur n’étant pas le même, j’aurai probablement quelques éléments de réponse à ce sujet.
Ce qu’en dit l’éditeur:
Les oubliés du rêve américain.
Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n’a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe.
Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d’arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C’est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l’attendent.
Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu’à un fil.
On a envie de comparer Michael Farris Smith à Sam Shepard ou à Cormac McCarthy, tant on a besoin de repères quand on assiste à la naissance d’un écrivain majeur. Ce serait faire erreur. Michael Farris Smith possède en effet un style et un talent d’évocation totalement singuliers qui vont droit au cœur du lecteur. Avec ces personnages qui s’accrochent à la vie envers et contre tout, il nous offre un magnifique roman sur la condition humaine, qui ne quittera pas nos esprits avant longtemps.
« De temps à autre apparaît un auteur amoureux de son art, du langage écrit et des grands mystères qui résident de l’autre côté du monde physique. Il y avait William Faulkner, Cormac McCarthy ou Annie Proulx. Vous pouvez maintenant ajouter Michael Farris Smith à la liste. » James Lee Burke
Citations:
- Ce soir-là, il avait bu plus que d’habitude sans raison particulière, sinon que c’était l’un de ces vendredis soirs torrides du Mississippi où vous venez de toucher votre paye et il y a dans votre vie une fille qui vous aime et vous recevez cinq sur cinq cette radio de La Nouvelle-Orléans qui passe des vieux blues, ces voix brisées qui chantent la poisse et les femmes insatiables et les p’tits coqs rouges et les allées et venues furtives par la porte de derrière. L’un de ces soirs où la lumière s’attarde et repousse sans cesse la nuit et tant qu’il y a de l’essence dans les pompes des stations on se dit que ce serait trop bête de ne pas la faire flamber. Plus d’une fois par la suite il s’était dit qu’il aurait mieux valu qu’il y ait une raison. Quelque chose qui l’aurait provoqué, poussé, énervé, bousculé, quelque chose qui aurait pu expliquer qu’il ait tellement bu. Plus d’une fois il aurait voulu pouvoir pointer du doigt et désigner un autre coupable. Mais il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même.
- Non.Je ne suis pas quelqu’un de bien,dit-elle.Mais bon Dieu,pourquoi on peut pas avoir au moins un peu de répit quand on se donne du mal.
- Elle renversa la tête et contempla le ciel immense de la nuit . La lune blanche et le panorama des étoiles et elle repéra la Grande Ourse et peut être la Petite Ourse mais il y en avait tellement de ces fichues petites loupiotes qu’elles étaient toutes serrées les unes contre les autres et semblaient noyer les constellations. Ce tableau avait presque quelque chose de faux , Comme si les cieux faisaient semblant , se donnaient des allures grandioses mais qu’il aurait suffi de tirer le rideau pour dévoiler la noirceur obscure et abyssale qui se cachait derrière.
- Il passa un doigt sur la cicatrice qui lui fendait le cou d’une oreille à l’autre, camouflée sous sa barbe naissante. Égorgé vif, mais vivant. Égorgé vif, mais guéri. Égorgé mais pas assez. Coup de bol, ils avaient dit. Un miracle, ils avaient dit. Mon cul, avait-il dit.
- Elle en a bavé, Boyd. Elle en a bavé. Et si je te raconte tout ça c’est pour que tu comprennes tout de suite que je te demande de la laisser tranquille. Je te dis pas de le faire. Je te le demande. Laisse-la tranquille. L’autre connard a eu ce qu’il méritait. Laisse tomber. Boyd avait écouté Russel sans bouger, sans moufter. Et il resta immobile et silencieux encore un moment en réfléchissant à ce que lui avait demandé Russel.
- IL (Boyd) pensa de nouveau à ses fils. La vitesse à laquelle ils étaient en train de devenir des hommes, et des hommes de bien, espérait-il. Et il aurait voulu mieux comprendre ce que ça voulait dire au juste, être un homme de bien. Il croyait le savoir jusqu’à ce soir. […] mais il savait que la décision qu’il prendrait à propos de cette arme et de ce meurtre, qu’elle qu’elle soit, infléchirait d’une autre sa conception de ce qu’était un homme de bien.
A propos de l’auteur:
Michael Farris Smith est un écrivain américain originaire du Mississipi dont le travail et la personnalité sont fortement marqués par son ancrage territorial dans le Sud des États-Unis. Si ses voyages en France et en Suisse inspirent son premier roman, The Hands of Strangers (2011), son second récit, Une pluie sans fin (Super 8 editions, 2015), fresque post-apocalyptique qui dépeint un Mississipi dévasté par des intempéries diluviennes, a été salué pour l’originalité et l’intensité de sa langue. Avec son nouveau roman Nulle part sur la terre, Michael Farris Smith continue de construire une vision littéraire unique, dépositaire de toute l’aridité, la poésie et l’humanité qui rythme l’existence sudiste. Michael Farris Smith vit aujourd’hui à Oxford, dans le Mississipi.
[Source: https://www.lisez.com/auteur/michael-farris-smith/122738 ]