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Ma cote: 9 / 10

Mon avis:

Qu’est-ce que le populisme? Cette question, cruciale pour notre temps, Jan-Werner Müller se la pose avec discernement. Refusant de mettre sous cette étiquette tout et n’importe quoi, il balise la réflexion, montre combien le concept de populisme peut être ambigu, signifiant parfois, selon le continent où l’on observe, des attitudes diamétralement opposées.
Salutaire donc ce petit essai, abordable dans sa lecture, qui nous rappelle la précarité d’un raisonnement qui désigne l’autre – et souvent le réduit – à un mot sans prendre le temps de définir ce dernier et d’en établir les caractéristiques.
Le danger du populisme, notamment dans son refus de toute opposition, réside dans ce droit exclusif de penser et de décider pour le peuple, droit que son leader, souvent auto-proclamé, ne reconnaît qu’à lui-même.
La perversion du système populiste est là. Dans cette non reconnaissance de la pluralité des idées, des points de vue et des intérêts de chacun. Là où la démocratie en appelle au compromis raisonnable, le populisme impose la pensée unique au peuple. Et puisque, par croyance, le peuple pense unanimement la même chose (le syndrôme des majorités silencieuses est même ici dépassé), le peuple n’a plus à être consulté! Son leader est sensé être apte à décider seul ce qui est bon ou non pour ce peuple qui ne penserait et ne parlerait que d’une seule et même voix.
A l’heure où plusieurs pays dits démocratiques basculent dans les extrémismes, il est urgent de lire l’essai de Jan-Werner Müller et de se construire une grille de lectures des événements politiques et des déclarations des uns et des autres. Ne laissons pas le populisme nous déposséder de la gestion de nos démocraties qui, même malades parfois, valent mieux que les manipulations de la dignité humaine qu’exerce le populiste dans nos états.
A lire, réfléchir afin de se construire un cadre critique de réflexion politique!

Ce qu’en dit l’éditeur:

Qu’ont en commun Marine Le Pen, Donald Trump, Viktor Orban, Beppe Grillo, tous régulièrement qualifiés de populistes ? Cette accusation est aujourd’hui utilisée à tort et à travers, contre les adeptes de la démagogie et de la violence verbale, mais aussi parfois simplement pour discréditer un adversaire.

La critique des élites suffit-elle à définir le populisme ? Le populisme a-t-il une couleur politique ? Doit-on exclure les populistes du débat démocratique ou, au contraire, leur répondre pied à pied ?

Jan-Werner Mûller nous propose une véritable théorie du populisme et nous donne des clés pour répondre, concrètement, à ce phénomène inquiétant. C’est qu’il y a urgence. Parce qu’il s’approprie « le peuple », qu’il récuse la possibilité d’une opposition légitime, mais aussi la diversité des sociétés contemporaines, le populisme menace la toujours fragile démocratie, qui semble plus que jamais à la peine.

Citations:

  • une « attitude anti-establishment » ne suffit pas à définir correctement le populisme. A l’anti-élitisme doit encore s’ajouter un anti-pluralisme. La revendication fondamentale de tous les populistes consiste à affirmer constamment ceci, à peu de choses près : « Nous – et seulement nous – représentons le peuple véritable. »
  • Le populisme ne peut être rattaché à des électeurs bien particuliers, à des profils sociologiques bien déterminés ou à un certain « style politique » […] Les populistes ne sont pas seulement hostiles aux élites, ils sont aussi fondamentalement anti-pluralistes. […] Mais le populisme montre une logique interne spécifique et identifiable: nous – et seulement nous – représentons le peuple véritable. Et leurs distinctions politiques se ramènent inéluctablement à une distinction binaire, à caractère moral, entre le vrai ou le faux. Le populisme est synonyme de polarisation.
  • Les partis populistes ne sont pas de simples partis protestataires ou de simples partis de refus du système. Quand ils parviennent au pouvoir, ils gouvernent conformément à la logique intrinsèque du populisme: eux et eux seuls représentent le vrai peuple; en conséquence, il ne saurait exister d’opposition légitime.
  • La critique des mauvais représentants tourne vite à une critique fondamentales des institutions démocratiques. L’argument des fondamentalistes … est que ce sont eux qui représentent la majorité silencieuse, et même la totalité de la population. Si les institutions fonctionnaient correctement, ils seraient au pouvoir depuis longtemps.
  • Les populistes conçoivent le rapport de représentation comme un mandat impératif: la volonté clairement identifiable du peuple doit tout simplement, et elle seule, être mise en application.[…] (Or,) une telle volonté unique du peuple n’existe pas. Pour les populistes, la représentation du peuple est symbolique. Le véritable peuple doit au préalable être extrait de la totalité empirique des citoyens. Ce qui signifie, par exemples,que ‘seuls les travailleurs du cru, seuls les chrétiens-nationaux… sont le peuple authentique. Les populistes jouent systématiquement cette construction symbolique du ‘peuple’ contre les institutions existantes.
  • La démocratie et la représentation sont deux choses différentes. La représentation n’est pas, en elle-même, un principe démocratique. Les populistes ne sont en aucun cas hostiles à la représentation. Tant qu’ils sont dans l’opposition, ils clament à l’envi l’antienne selon laquelle le peuple est représenté par de mauvaises élites, et même des élites corrompues.

A propos de l’auteur:

Nationalité : Allemagne
Né(e) : 1970

Biographie :

Jan-Werner Müller est professeur de sciences politiques à l’université de Princeton (Etats-unis). Il enseigne la théorie politique et l’histoire des idées .

Les références:

Jan-Werner Müller

ISBN : 2072746590
Éditeur : GALLIMARD (18/01/2018)

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