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Ma cote: 8/10

Mon avis:

« Comme on brûle un feu rouge, brûler la mer, en d’autres termes, la traverser : gagner l’Europe, clandestinement. […] Quatorze kilomètres, c’est peu et beaucoup à la fois. C’est peu si tu as l’argent pour prendre le ferry. C’est beaucoup quand tu dois ramer de nuit dans les eaux noires du détroit de Gibraltar, à bord d’un rafiot bourré de clandestins, et pas un pour savoir nager. »
Cette phrase, à elle seule, justifie le titre d’un roman qui se veut abordable, malgré la complexité des sujets soumis à la réflexion des jeunes à qui il s’adresse.
Ingrid THOBOIS, avec ce roman que Bayard Jeunesse m’a permis de découvrir, soulève quelques sujets que, malheureusement, l’actualité quotidienne traite trop légèrement. le rêve migratoire des populations qui ne voient en l’Europe qu’un Eldorado qui se révèlera le plus souvent trompeur … Encore faut-il y arriver ! Mais elle aborde aussi la montée des Barbus, la dangerosité qui peut se cacher derrière un Iman (derrière lequel il faut voir aussi tout qui, ‘de l’autre côté’, prétend à une quelconque direction des consciences, religieuses, politiques, sociétales. Parallèlement à ces intégrismes, Ingrid THOBOIS ouvre la réflexion à propos de l’exploitation des enfants non scolarisés, la place de la femme dans la Société ou encore la consommation de drogue.
Mais il ne faut pas s’y tromper, cette mer, surface miroir des rêves, des épreuves, des doutes, joies et pleurs renvoie face à face, sans pour autant les opposer, les deux mondes que sont l’Europe d’un côté, le Maroc (ici) de l’autre.
Et c’est là l’intérêt de ce roman. Les deux personnages jumeaux, frère et soeur que sont Medhi et Lilia, ont un regard différent sur l’à-venir de leurs rêves, ils n’en restent pas moins unis, même s’ils s’éloignent l’un de l’autre. le fond du roman est cette interrogation à propos des chemins de vie à suivre, la richesse de l’entraide, la puissance d’une pensée personnelle face à l’endoctrinement, d’où qu’il vienne, la gratuité de la solidarité ou le coût à payer aux vendeurs de rêve et aux escrocs manipulateurs de miroirs aux alouettes.
Ingrid THOBOIS propose une écriture assez simple quoique riche en émotions, en saveurs et descriptions du pays marocain. La découpe en chapitres courts permet au jeune lecteur de contextualiser les propos, d’en découvrir les unités de sens et les oppositions entre les thèmes abordés. J’imagine facilement les échanges qu’un tel livre pourrait faire naître au sein d’une classe d’adolescents qui, tous, ont du monde, de leurs rêves, des visions qui demandent encore tant d’ajustements. Les thèmes abordés dans ce roman, justement parce qu’il s’agit d’un roman, permettent cette prise de hauteur qu’exige tout échange fécond.
Un roman à partager, à découvrir, un roman à discuter pour grandir !

Remarque : Quant à une éventuelle suite que l’auteur pourrait donner pour que le lecteur sache ce qu’il est advenu aux personnages attachants de ce récit, je pense que ce serait une mauvaise idée. Enfermer une suite, parmi les possibles, risquerait, à mes yeux de servir un déterminisme qui occulte les questions qu’un jeune peut se poser sur le futur, son futur. Pourquoi réfléchirait-il s’il lui suffit d’attendre une suite à consommer ?

Ce qu’en dit l’éditeur:

Chaque printemps, depuis plus de dix ans, Eric, le parisien, passe une semaine au Maroc dans la vallée idyllique du Dadès, au sein de sa famille de cœur. Il partage des moments chaleureux avec Kenza et ses jumeaux de 14 ans, Mehdi et Lilia. Eric est un peu le père que ces derniers, qui ont grandi sous le signe de l’amour, du rire et de la liberté, n’ont jamais eu. Mais cette année, Eric trouve l’atmosphère pesante. Un nouvel imam est arrivé, et tous les prétextes sont bons pour réduire les libertés individuelles, et diffuser des messages religieux. Quant à Mehdi, il semble plus distant, plus taciturne. Il aimerait quitter le Maroc pour découvrir d’autres horizons. Il rêve d’Europe. Lilia, joyeuse et rebelle, est devenue une belle adolescente. Quand Eric repart, il comprend, impuissant, que la vallée du Dadès est en train de changer…

Un roman sobre, pudique et poétique qui relate le destin de deux frère et sœur adolescents marqués par les aléas de la vie, et la montée du fondamentalisme.

Citations:

  • Comme on brûle un feu rouge, brûler la mer, en d’autres termes, la traverser : gagner l’Europe, clandestinement. […] Quatorze kilomètres, c’est peu et beaucoup à la fois. C’est peu si tu as l’argent pour prendre le ferry. C’est beaucoup quand tu dois ramer de nuit dans les eaux noires du détroit de Gibraltar, à bord d’un rafiot bourré de clandestins, et pas un pour savoir nager.
  • Ce jour-là, Eric avait appris que la générosité peut avoir des conséquences contraires aux effets escomptés.
  • On demeure à jamais étranger là où on n’est pas né.
  • … rien à voir avec ces touristes qui consomment le monde au lieu de le découvrir, prenant en photo ce qu’il n’ont pas regardé.

Les références:

Ingrid Thobois

ISBN : 2747087158
Éditeur : BAYARD JEUNESSE (19/09/2018)

A propos de l’auteur:

Ingrid Thobois est une romancière française.

Après des études de langues et de lettres, elle part enseigner le Français à l’étranger, notamment en Afghanistan et en Indonésie.

Elle fait également des reportages pour la presse et la radio en Iran et à Haïti.

Elle publie chez Phébus « Le roi d’Afghanistan ne nous a pas mariés » et reçoit en 2007 le prix du Premier Roman.

Son roman « Sollicciano », publié aux éditions Zulma, a reçu le prix Thyde Monier en 2011.

Toujours sous le nom d’Ingrid Thobois, elle écrit pour la jeunesse chez Thierry Magnier et Rue du monde : « Tao et Léo » publié en 2011 a reçu le Prix des écoliers Opalivres et « Nassim et Nassima », publié en 2009 a reçu le Prix des Enfants du Livre 2011 du Festival du Livre de Jeunesse Midi-Pyrénées de Saint-Orens, le Prix 2011 des lecteurs de Rillieux-la-Pape, le Prix littéraire jeunesse de Lire en Braconne 2011 et le Prix de bronze des grignoteurs Ruralivres 2011.

Elle a publié également « Le Plancher de Jeannot » (Qui Vive, 2015) ainsi que « Miss Sarajevo » (2018).

Sous le nom de Djaan elle publie « Si tu me tues, je te tue » (Oskar, 2012).

site officiel : http://www.ingridthobois.com/

Un commentaire sur « De l’autre côté de la mer de Ingrid Thobois »

  1. « le rêve migratoire des populations qui ne voient en l’Europe qu’un Eldorado qui se révèlera le plus souvent trompeur … Encore faut-il y arriver ! » Vraiment… Il faut ouvrir les yeux sinon on risque de se perdre… Reste à savoir si on ne l’est pas déjà..

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