
De Dominique Fortier
Roman
Editions Les Escales (2 mai 2019)
ISBN : 978 2365 694 094
190 pages
Ma cote : 8 / 10
Ma chronique :
Pour ce livre, Dominique Fortier, autrice québécoise, a remporté le prix littéraire du Gouverneur général. De quoi s’agit-il ? Fiction, récit de vie ou de voyage, carnet d’écriture ? La classification a finalement peu d’importance. La vraie question est : « Ce livre me parle-t-il ? Me disant quelque chose de nouveau du monde ou révélant quelque chose de mon être profond ? » Et ma réponse est doublement oui.
Trois personnages, loin de se disputer la vedette mais se passant plutôt la parole, m’ont appris des facettes de l’Histoire que je connaissais peu ou mal. Les interactions entre ces personnages ont confirmé des questions que je me suis souvent posées sans pour autant avoir des certitudes sur les réponses, ni les miennes, ni celle du livre. L’intérêt premier étant, pour moi, de m’interroger.
Il y a d’abord Eloi, jeune portraitiste qui, par dépit amoureux, a suivi son ami Frère Robert au Mont St Michel. Sa dextérité, même conjuguée à son illettrisme, le désignait pour entrer au monastère et devenir copiste, même sans y prononcer de vœux religieux. Personnage attachant, il suscite de l’intérêt ou de la répulsion parmi la communauté. Peut-on être copiste sans être moine ? Peut-on recopier des livres d’un tel intérêt, voire d’un tel pouvoir et ne rien comprendre à ce qu’on écrit ? Celui qui comprend ferait-il automatiquement un meilleur copiste ou, parce qu’il en sait déjà sur le sujet, y ajoutera-t-il sa propre interprétation, ses nuances personnelles au risque de trahir la chaîne de transmission ? Question intéressante pour l’ancien enseignant que je fus et l’analyse que j’essaye d’être de tous les populismes qui misent sur l’ignorance…
Le deuxième personnage, bien de nos jours celle-là, est l’autrice elle-même, écrivaine et jeune maman. Aimant et fière des deux rôles mais se posant des tas de questions sur les priorités à placer dans sa vie. Les besoins de son enfant, buveur d biberons et grand mangeur de temps ou son écriture, elle aussi chronophage mais tellement utile à son équilibre ? Question triviale mais dont la réponse n’est jamais simple à poser.
Enfin, le troisième personnage est le Mont St Michel. Celui surtout du temps de sa splendeur en tant que cité des livres. Au péril de la mer est une citation qui était inscrite sur tous les manuscrits produits par les copistes du Mont. Là où la mer, à la fois garante de pérennité, source de vie et de tourments avait beau, avec force, assiéger St Michel à coups de marée, et pourtant n’arrivait pas à le déstabiliser et lui faire perdre son âme. Le récit est très, documenté. On en sort enrichi d’Histoire, d’humanité et d’importance à garder aux livres et à leurs diffusions.
Que ce soit à propos de l’un ou l’autre des personnages de ce roman, toujours les questions soulevées ouvrent à la réflexion et, ce qui ne gâche rien, les mots pour le dire semblent couler d’une source poétique vitale, chère à l’autrice.
Une bien belle découverte que je dois au défi littéraire de Madame lit. Merci !
Ce qu’en dit l’éditeur :
Aux belles heures de sa bibliothèque, le Mont-Saint-Michel était connu comme la Cité des livres. C’est là, entre les murs gris de l’abbaye, que, au XVe siècle, un peintre rencontra un amour incandescent qui le hanta à jamais et c’est là qu’il découvrit, envoûté par les enluminures, la beauté du métier de copiste. C’est également là, entre ciel et mer, que cinq cents ans plus tard une romancière viendra chercher l’inspiration. Est-il encore possible d’écrire quand on vient de donner la vie ?
Dans ce lieu si emblématique, leurs destins se croisent malgré les siècles qui les séparent.
À la fois roman et carnet d’écriture, Au péril de la mer est un fabuleux hommage aux livres et à ceux qui les font.
Heureuse coïncidence.
En ce jour où je publie ma chronique ‘Au péril de la mer’, Dominique Fortier reçoit le Prix Renaudot, catégorie ‘essais’. Voici le communiqué de la Maison d’édition Alto à ce propos.
Dominique Fortier a remporté le prix Renaudot 2020 dans la catégorie essai pour Les villes de papier.
«Les Éditions Alto tiennent à offrir leurs plus exubérantes félicitations à Dominique Fortier, qui a remporté ce lundi 30 novembre le Prix Renaudot (catégorie essai) pour son livre Les villes de papier publié aux Éditions Grasset. C’est la première fois qu’une auteure québécoise remporte un Prix Renaudot et il faut remonter à l’attribution du Prix Médicis à Dany Laferrière en 2009 pour voir un auteur d’ici récompensé par l’un des grands prix littéraires français.
D’abord publié chez Alto en 2018, Les villes de papier présente « un hommage sensible et personnel » (Le Figaro) de la poète Emily Dickinson, figure mythique des lettres américaines. Vendu à près de 10 000 exemplaires au Québec, le roman a déjà été traduit en anglais et en italien. Des traductions en espagnol et en suédois paraîtront en 2021.
Depuis la parution de son premier roman Du bon usage des étoiles jusqu’au récit Au péril de la mer (Prix littéraire du Gouverneur général), l’œuvre exceptionnelle de Dominique Fortier a gagné en richesse et en profondeur et c’est aujourd’hui un moment extraordinaire pour notre grande littérature et pour notre maison qui l’appuie depuis ses débuts.
L’équipe d’Alto»
Je suis heureuse de lire un article sur Dominique Fortier en ce jour où elle remporte le Renaudot pour un autre bouquin. Bravo! Défi relevé en novembre!
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