
ISBN : 272462372X
Éditeur : LES PRESSES DE SCIENCES PO
Date de sortie: 07/02/2019
Ma cote: 7 / 10
En dix lignes max! (par frconstant)
Question que pose J-B RAUSCHER à la suite d’une affirmation du Pape François: « Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. » Le Pape est-il marxiste? Non! L’Eglise a depuis longtemps un magistère économique qui rejette un certain capitalisme non acceptable. Mais alors, pourquoi les positions de l’Eglise en matière économique sont-elles si peu connues, si peu claires et, semble-t-il si peu suivies ? S’il est difficile de faire entrer en harmonie des concepts économiques et des notions d’éthique, l’auteur invite néanmoins le lecteur à réfléchir, ‘en acte’, sur les connexions entre les différentes vertus particulières des différents systèmes qui régissent la vie, sans en choisir une au détriment exclusif des autres ? Un essai qui mérite qu’on s’y attarde quelque peu!
Ce qu’en dit l’éditeur:
« Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. » Cette citation n’est pas tirée du manifeste d’un parti politique, mais d’une exhortation apostolique du pape François, signée en 2013. Loin de faire du souverain pontife un prélat marxiste, ce propos s’inscrit dans la lignée d’une doctrine sociale de l’Église qui a toujours considéré avec méfiance les crédos de l’économie capitaliste. Pourquoi, dès lors, les positions du magistère catholique en matière d’économie restent-elles aussi peu lisibles, aussi peu discutées, à l’inverse de celles concernant la bioéthique et la morale sexuelle ?
Ma critique:
J’ai éprouvé le besoin de développer la version courte de ma critique laissée sur Babelio ou SensCritique… Personne n’est obligé de me suivre dans ce développement. Mais, pour moi, il était important de m’offrir une trace de ce que ma mémoire a retenu de cette lecture.
Et donc, « L’Eglise catholique est-elle anticapitaliste ? » (version longue).
Cette question, c’est Jacques-Benoît RAUSCHER qui la pose à la suite de l’affirmation du Pape François qui déclarait, en 2013, « Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. » Cette exhortation apostolique fait-elle du Pape François un prélat marxiste ? Est-ce là l’influence de la théologie de la Libération qui, il y a tout de même bien des années, portait les communautés chrétiennes d’Amérique du Sud à se ranger du côté du Marxisme, seul système économique ‘non capitaliste’?
Pour Jean-Benoît RAUSCHER, la réponse est non. L’Eglise a depuis longtemps un magistère économique qui rejette le capitalisme ou, tout du moins, tous les capitalismes qui ne seraient pas acceptables… Mais alors, pourquoi les positions de l’Eglise en matière économique sont-elles si peu connues, si peu claires et, semble-t-il si peu suivies ? C’est à ces questions que l’auteur, prêtre dominicain, agrégé de sciences économiques et sociales et diplômé de Sciences PO tâche de répondre dans ce petit essai de 120 pages.
Pour être court, cet essai n’en est pas pour autant facile à lire. L’auteur précise pourtant le canevas de sa réflexion et de ses recherches. Mais, c’est une évidence, il est difficile de faire entrer en harmonie des concepts économiques, parfois trop peu définis et des notions d’éthiques, plus exactement d’ethos, dont le capitalisme devrait se revêtir pour être appréhender dans sa globalité, seule possibilité pour le comprendre dans son intégralité et déterminer la position que le Magistère catholique veut tenir.
En suivant l’auteur, le lecteur sera invité à réfléchir à propos de l’acte vertueux. Non par un discours, une déontologie intellectuelle ou une stricte observation des conséquences mais une réflexion ‘en acte. l’Homme est-il capable de situer son agir dans le cadre d’un bien commun ? Dans des situations contingentes, avec les oppositions d’intérêts immédiats de chacun, l’Homme est-il capable de d’établir une connexion entre les différentes vertus particulières des différents systèmes qui régissent la vie, sans en choisir une au détriment exclusif des autres ? En d’autres termes, la position du Magistère face au capitalisme ne doit pas être un rejet ‘intellectuel’ qui ne prendrait pas en compte le caractère hégémonique de cette structure économique. Il ne peut apporter une vraie pensée d’Eglise qu’en acceptant et valorisant une réflexion éthique amenant l’Homme à l’acceptation des tensions et au choix de la voie qui, dans cette structure hégémonique qu’est le Capitalisme, permettra de déplacer objectivement le curseur vers la recherche d’un bien commun.
La réflexion est intéressante, le fond est certes d’une urgence intellectuelle irréfutable mais la forme reste difficile à appréhender dans ce balancement continuel entre économie, social et éthique, entre textes d’aujourd’hui, d’hier et même d’avant-hier. Le jeu en vaut cependant la chandelle…
C’est donc avec ténacité qu’il faut suivre Jacques-Benoît RAUSCHER dans son analyse des textes pontificaux. En appui sur les textes du Pape Léon XII, (Rerum Novarum), il aborde d’abord un capitalisme qu’il dit « fantomatique ». En effet, à l’époque, le Capitalisme n’est pas nommé comme système économique. L’Eglise en parle à mots couverts dans le combat qu’elle mène, en fait, contre le marxisme. Les propos pontificaux laissent alors apparaître une défense du droit à la propriété privée, admettant l’intérêt d’un système économique qui, s’il ne règle pas tout, améliore tout de même la vie des personnes qui profitent, alors, de l’industrialisation.
Dans un deuxième chapitre, l’auteur traite de l’ethos, la visée doctrinaire d’une éthique qui pourrait justifier et soutenir les fondements d’un comportement capitaliste acceptable (à l’exclusion d’autres qui ne le seraient pas !). Cela suppose possible une approche d’un capitalisme unique, unifié dans son agir comme dans ses fondements. Pour le moins complexe, quand on se rappelle le pluriel attribué aux Sciences économiques… ce pluriel permettant des définitions divergentes des concepts que chacun pourra alors récupérer ou combattre selon le cheval qu’il enfourche. En s’accrochant à sa définition des notions, le plus souvent sans la préciser, il se targuera d’avoir, bien évidement (sic!) toujours raison !
Le capitalisme prend naissance dans une mouvance libérale qui magnifie le droit et l’effort de chacun à soigner son intérêt personnel et individuel. L’Eglise, bien avant le Pape François a voulu affirmer que l’intérêt personnel peut exister mais qu’il ne doit pas prendre la main sur l’intérêt commun, le partage des biens et la mise en commun qui, in fine, serviraient mieux encore l’intérêt personnel de chacun. Pour le Magistère de l’Eglise, la richesse ne peut accaparer toutes les forces de l’individu qui s’épuise à accumuler à son seul bénéfice ce qui, par définition, passera, à savoir la richesse terrestre.
Mais le capitalisme et sa recherche éperdue d’enrichissement personnel libèrent, pour les économistes, un ensemble de raisons morales qui se distinguent fondamentalement de la morale catholique. Définir le capitalisme par l’esprit (l’ethos) qu’il suppose est une belle manière de le sortir de sa seule approche économique à finalité courte. Quel type d’Homme voulons-nous soutenir quand on invoque le droit et le bien-fondé du capitalisme ? C’est là que l’auteur tente de montrer, à la fois la cohérence, les forces et les frilosités qui ont ponctué les différentes déclarations apostoliques des Papes depuis Léon XIII à nos jours. Jacques-Benoît RAUSCHER montre combien le discours des papes et leurs interprétations ont été rendues opaques par la peur d’une perte de pouvoir face aux régions émergentes marxistes. Il montre combien les projets de rédaction des encycliques ont fait parfois l’objet d’écritures extrêmement progressistes… sans toute fois être retenue en dernière signature… Là, encore, peur et frilosité d’oser une parole divergente à la pensée unique de la Société dite du Progrès.
Au final, le lecteur sera invité à réfléchir à propos de l’acte vertueux. Non par un discours, une déontologie intellectuelle ou une stricte observation des conséquences mais une réflexion ‘en acte.
L’Homme est-il capable de situer son agir dans le cadre d’un bien commun ? Dans des situations contingentes, avec les oppositions d’intérêts immédiats de chacun, l’Homme est-il capable de d’établir une connexion entre les différentes vertus particulières des différents systèmes qui régissent la vie, sans en choisir une au détriment exclusif des autres ?
En d’autres termes, la position du Magistère face au capitalisme ne doit pas être un rejet ‘intellectuel’ qui ne prendrait pas en compte le caractère hégémonique de cette structure économique. Il ne peut apporter une vraie pensée d’Eglise qu’en acceptant et valorisant une réflexion éthique amenant l’Homme à l’acceptation des tensions et au choix de la voie qui, dans cette structure hégémonique qu’est le Capitalisme, permettra de déplacer objectivement le curseur vers la recherche d’un bien commun.
La réflexion est intéressante, le fond est certes d’une urgence intellectuelle irréfutable mais la forme reste difficile à appréhender dans ce balancement continuel entre économie, social et éthique, entre textes d’aujourd’hui, d’hier et même d’avant-hier. le jeu en vaut cependant la chandelle…
Merci à Babelio et sa Masse Critique, de même qu’aux Editions SciencesPO, Les Presses, de m’avoir permis de découvrir cet essai.
Citation:
« Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché. »