
De Patrick Modiano
ISBN : 978 2070146936
Éditeur : GALLIMARD (02/10/2014)
Ma cote: 8 / 10
Mon avis:
Curieuse écriture que celle de Patrick Modiano. Étrange et belle ! Dans son roman « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier » (Ed . : Gallimard, 2014), l’auteur pose ses phrases sur le livre comme un peintre poserait ses points de couleurs sur sa toile. Tout en nostalgies juxtaposées, en mélancolies teintées d’inquiétudes, en recherches confuses d’une pensée qui existe déjà mais doit encore naître au jour, celui du jour d’aujourd’hui.
Jean Daragne, le personnage principal de ce roman va rencontrer des personnes qu’il connaît à peine, ou même pas du tout. Et, un peu à cause d’elles mais surtout bien au-delà de celles-ci, il va voyager à la poursuite d’un passé que le temps a enfouis dans l’oubli sans jamais tout à fait l’estomper.
Et si le lecteur devine que l’image finale existe, il ne peut de suite la saisir. Un peu comme lors de la réalisation d’un puzzle dont on n’aurait pas mémorisé au préalable l’image-modèle à laquelle il faut aboutir. Chaque phrase, chaque idée, chaque tranche de vie du récit prend peu à peu son sens en trouvant sa place à côté d’autres phrases, d’autres idées, d’autres tranches du roman. C’est là la puissance d’écriture de Patrick Modiano. Il n’y a pas d’action dans ce récit, juste le lent et fascinant effet d’un bain révélateur qui peu à peu fait apparaître l’image qui a été « mise en boîte » mais n’est pas encore visible.
Ce n’est qu’au terme du roman que le lecteur capte enfin la puissance d’évocation de cette image recomposée par Jean Daragne, le héros, celle d’un enfant qui, devenu adulte, se retrouve et se comprend. Vraiment, un bon moment de lecture !
CE QU’EN DIT L’ÉDITEUR:
« – Et l’enfant ? demanda Daragane. Vous avez eu des nouvelles de l’enfant?
– Aucune. Je me suis souvent demandé ce qu’il était devenu… Quel drôle de départ dans la vie…
– Ils l’avaient certainement inscrit à une école…
– Oui. À l’école de la Forêt, rue de Beuvron. Je me souviens avoir écrit un mot pour justifier son absence à cause d’une grippe.
– Et à l’école de la Forêt, on pourrait peut-être trouver une trace de son passage…
– Non, malheureusement. Ils ont détruit l’école de la Forêt il y a deux ans. C’était une toute petite école, vous savez…»
Citations:
- Les souvenirs d’enfance sont souvent de petits détails qui se détachent du néant.
- On apprend, souvent trop tard pour lui en parler, un épisode de sa vie qu’un proche vous a caché. Est-ce qu’il vous l’a vraiment caché? Il l’a oublié, ou plutôt, avec le temps, il n’y pense plus. Ou, tout simplement, il ne trouve pas ses mots.
- Pourquoi des gens dont vous ne soupçonniez pas l’existence, que vous croisez une fois et que vous ne reverrez plus, jouent-ils, en coulisse un rôle important dans votre vite ?
- On finit par oublier les détails de notre vie qui nous gênent ou qui sont trop douloureux
A propos de l’auteur:
[http://auteurs.contemporain.info/doku.php/auteurs/patrick_modiano ]
Consacré prix Nobel de la littérature en 2014, Patrick Modiano est un écrivain français né à Boulogne-Billancourt en 1945. Soutenu par Raymond Queneau, il publie son premier roman, La Place de l’Étoile, en 1968. L’auteur fait ensuite paraître une trentaine de romans, pour la plupart traversés par des enquêtes mémorielles ou identitaires. Son œuvre, primée par la critique, se caractérise par une présence marquée du thème de l’Occupation, de même que par une certaine propension à l’autobiographie. Modiano a également écrit des scénarios et réalisés des films pour le grand écran.
Historique des prix reçus:
- 1968 – Prix Fénéon, La Place de l’Étoile
- 1972 – Grand prix du roman de l’Académie française, Les Boulevards de ceinture
- 1978 – Prix Goncourt, Rue des Boutiques obscures
- 2000 – Grand prix de littérature Paul-Morand, l’ensemble de son oeuvre
- 2011 – Prix Marguerite-Duras, l’ensemble de son oeuvre
- 2014 – Prix Nobel de la littérature
Je n’ai jamais lu Modiano, mais j’aime beaucoup ta chronique et la sensibilité qui s’en dégage !
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