Ce qu’en dit l’éditeur:
Yamissi, arrachée à sa famille en Centrafrique pour être vendue comme esclave, est achetée à Cuba par Ephraïm Sodorowski, un marchand juif polonais. Un amour improbable naît entre ces deux êtres. Il se prolongera par la rencontre à Dantzig, quarante ans plus tard, de leur fille Josefa avec Samuel Wotchek, un anarchiste juif en quête de pureté.L’odyssée de ces personnages, liés par leurs tragédies, s’adosse à la grande Histoire sur trois continents et cinq générations, de 1860 à nos jours.Ce grand roman unit dans un ample mouvement la traite négrière et la Shoah, double expérience de l’horreur qui a façonné les héros sans qu’ils renoncent jamais à leur quête de liberté.
Ma cote: 7/10
Mon avis:
(publié une première fois, en d’autres lieux, le 20 juin 2018)
« Les passagers du siècle », signé Viktor LAZLO et édité chez Grasset (2018) est un roman qui porte bien son nom. On y retrouve Yamissi, jeune princesse arrachée à sa famille et vendue comme esclave. Originaire du Centrafrique, elle sera achetée à Cuba par un marchand d’esclave juif d’origine polonaise. Nous sommes fin du 19 siècle et Viktor LAZLO décrit, d’une belle plume, le désarroi de ceux qui n’ont même plus de nom, qui n’ont que des chaînes, des coups, des maîtres. Plus d’identité mais encore, pourtant, assez de dignité pour endurer l’indicible. De ce couple esclave-maître, fondé sur l’insécurité, le manque de confiance, les différences culturelles et, pourquoi pas, un fond d’amour aussi improbable que réel, naîtra Josefa qui rencontrera, près d’un demi-siècle plus tard, un anarchiste juif, Samuel Wotcheck. Ce dernier aura passé sa vie à se chercher, à tenter de fuir son existence tout en voulant préserver son amour et se rapprocher d’une famille abandonnée. Dans la tourmente d’un continent qui se déchire sous la montée infâme du nazisme et de l’épuration dite ethnique qui massacrera juifs et roms, Viktor LAZLO nous réaffirme la difficulté de vivre debout, de rester digne, de trouver et garder sa voie dans un temps de compromissions, d’alliances, de ‘désalliances’, de liens familiaux déchirés au nom d’idéaux mal définis, peu tenus et mouvants.
Les héros de ce récit ne sont donc que des passagers du siècle. Oh, bien sûr, ils ont quelques postures à tenir qui peuvent leur être propres… mais, en fait, ils ne font que traverser la tourmente d’un siècle sans aucunement pouvoir prétendre être pilote. Réduits au statut de passagers, ils ne sont occupés qu’à survivre.
Et puis, curieux personnage, il y a Fleur, centenaire en 2010 qui confie sa vie, ses certitudes, ses tentatives de remords et de regrets à un journal personnel. Son caractère odieux, suffisant, égoïste nous l’a fait peu apprécier. Le lecteur que j’ai été a été prompt, plus d’une fois, à la condamner et à la rejeter avec mépris. Et pourtant, dans ce roman qui lie l’esclavagisme dont nous n’avons pas à être trop fiers et la Shoah, laquelle devrait interroger l’Europe actuelle quant à la montée des populismes, de l’individualisme forcené et du racisme ambiant qui reste bien présent, ce personnage de Fleur n’est-il pas, tout simplement, le reflet de la déshumanisation qui nous guette quotidiennement ? Fleur n’a pas voulu entendre la vie de ses parents, leurs combats pour la dignité. Elle a refusé d’écouter ce que sa descendance lui demandait. Elle n’a pas voulu reconnaître qu’elle avait une place à prendre dans la chaîne humaine qui fonde et renforce nos vies. Ses fuites, ses replis, ses préoccupations narcissiques ne sont-elles pas le triste reflet de ce que nous risquons d’être si nous ne réalisons pas qu’en un siècle, la dignité humaine a été bafouée par des courants négationnistes de la vie, tels l’esclavagisme et le nazisme ? Sommes-nous aptes à réaliser vers quoi notre 21e siècle risque de nous porter ? Fleur, tu es détestable… mais tu interpelles !
Dans ce roman « Les passagers du siècle », la plume de Viktor LAZLO est agréable à lire. Son propos est manifestement largement documenté mais, le choix de voyager sans arrêt dans le temps et dans des histoires de familles différentes ne facilite pas la compréhension générale de l’histoire … C’est un peu dommage !
Citations:
- C’est à l’instant de la pesée que Yamissi perdit officiellement son nom. On lui attribua un matricule par lequel elle serait désormais identifiée. Toute trace du passé effacée pour ne laisser place qu’à l’asservissement de l’homme noir, programmé et systématique. Yamissi enfouit son nom tout au fond de son coeur. Il serait sa force intime.
- Mademoiselle, osez vivre dans cette société qui ne claironne pas votre bienvenue, qui refuse de vous faire sentir que vous lui appartenez. Ne lui appartenez jamais, servez-vous d’elle. Je vous parle ainsi parce que vous êtes intelligente. Les femmes sont tellement éloignées de la bêtise des hommes ! C’est le mode de vie de nos ancêtres, la peur qu’elles inspirent aux hommes qui les a confinées dans la sottise, pas leurs gênes!.
- Tu as raison, Malavita, je suis un lâche. Et devant toi, je n’ai jamais pu me cacher. Tu sais de moi des sentiments que j’ai oubliés. Tu as réussi en quelques années à réhabiliter à mes yeux une race d’hommes que je ne voyais pas. Vous étiez transparents. Utiles et transparents. Ta seule présence a rendu à tous ces pauvres gens que j’ai traités moins bien que du bétail une existence visible.
A propos de l’auteur: [source: Babelio]
Nationalité : Belgique
Né(e) à : Lorient, Bretagne , le 07/10/1960
Biographie :
Viktor Lazlo, de son vrai nom Sonia Dronier, est une chanteuse née d’un père Martiniquais et d’une mère Grenadienne.
Elle choisit ce pseudonyme en référence à l’un des personnages de Casablanca (film de Michael Curtiz – 1942).
Viktor Lazlo fut repérée par le producteur belge Lou Deprijck.
Canoë rose en 1985 est son plus grand succès en France, et Breathless en 1987 celui à l’étranger.
Elle a présenté le Concours Eurovision de la chanson 1987 en Belgique.
Elle a aussi joué dans les feuilletons Navarro (TF1) et Sandra, princesse rebelle.
En 2010 est a publié son premier roman, baptisé La femme qui pleure, édité chez Albin Michel.
En 2011, elle crée son spectacle My Name is Billie Holiday à Bruxelles dont elle confiera la mise en scène à Éric-Emmanuel Schmitt fin 2012 avant d’entamer une tournée triomphale en France et en Europe jusqu’en 2015.
En février 2015, elle présente son nouveau spectacle intitulé 3 Femmes au Théâtre Hébertot , un tout nouveau récital consacré à Billie Holiday, Sarah Vaughan et Ella Fitzgerald.
Les références:
Éditeur : GRASSET (10/01/2018)