
de Fouad Laroui
ISBN : 978 2266 258 680
Éditeur : POCKET (03/03/2016)
Ma cote: 6 / 10
Mon avis:
« Les tribulations du dernier Sijilmassi » de Fouad LAROUI (Ed; Julliard, 2014) est un roman désarçonnant.
Pas facile à lire. J’ai mis du temps à rentrer dans ce que je crois être la pensée de l’auteur, à tout le moins l’approcher quelque peu.
Adam, ingénieur spécialisé dans la vente de bitume, un peu partout dans le monde, a une révélation, une épiphanie: « Qu’est-ce que je fais là, dans un avion volant à trente mille pieds et propulsé à une vitesse supersonique? Quel est le sens de cette course perpétuelle, de cette accélération de la vie, pourquoi faut-il toujours aller vite, plus vite, trop vite? » Adam décide de démissionner, partant, de perdre tous ces nombreux avantages sociaux que lui conférait son titre de cadre.
Et Adam va partir, à pied, vers sa terre natale. Il veut relier sa vie à celle de ses ancêtres. Il veut retourner sur ces terres qui ont vu vivre son père et son grand père. Il veut y réfléchir et méditer sur ce qui fonde sa vie. Sa démarche est tellement hors normes qu’elle suscitera bien des questions auprès de ceux qui seront témoins de ses tribulations. Et Adam va mesurer la complexité de sa pensée intuitive en réalisant la difficulté qu’il aura à se faire comprendre.
Le rythme d’écriture est lent, semblant lourd, chargé de digressions, de nombreuses références philosophiques, d’extrapolations imaginaires qui mettent à rude épreuve ma volonté de lecteur d’aller droit au but.
Et justement, c’est là un des propos de l’auteur. Tout au long de son livre (dans lequel j’ai fini par rentrer et que j’ai donc lu avec bonheur) Fouad LAOUI va dénoncer les erreurs et la faiblesse de la pensée conceptuelle quand elle se refuse à interroger chaque mot, chaque idée reçue. Tout y passe, tout est questionné. Quel est le sens de la cadence du monde? Pourquoi chacune de nos sociétés se présente-t-elle comme la seule détentrice du bon pouvoir, de la bonne religion? Pourquoi l’Etat se donne-t-il le droit d’imposer une raison d’Etat pourtant bien souvent bancale et au seul service de ceux qui veulent prendre (encore un peu plus ou plus longtemps) le pouvoir? Est-il possible de permettre à plusieurs courants de pensée de coexister pacifiquement? Est-il seulement possible de se fare comprendre en posant les bons mots sur les idées qui nous habitent? Et pourquoi l’Occident (au travers des nombreuses références littéraires qu’on retrouve dans ce roman) se présente-t-il historiquement comme le berceau des grands courants philosophiques qui, tous, avaient déjà été énoncés par les civilisations antiques, grecques, romaines, arabes? Est-il possible de se positionner entre les extrêmes? Doit-on être fatalement pour l’un et donc contre l’autre? …
Toutes ces questions, le livre les soulève, ouvre des pistes de réflexion, permet des remises en question… mais c’est à chacun de trouver sa voie et de prendre le temps de marcher lentement vers son intégrité humaine, son Adam originel…
Un roman qui propose un choc des cultures et qui secoue chacune d’elles au coeur même de ses croyances.
Ce qu’en dit l’éditeur:
Alors que A. Sijilmassi survole la mer d’Andaman, il se pose des questions sur le sens de sa vie d’ingénieur. Il est convaincu que cette vie n’est pas celle qui lui correspond et décide de revenir aux sources, dans son pays d’origine. Arrivé à l’aéroport de Casablanca, il entreprend de rejoindre la ville à pied, ce qui lui vaut de rentrer chez lui encadré par deux gendarmes. Prix Jean Giono 2014.
A propos de l’auteur:
Fouad Laroui a vécu son enfance au Maroc, son pays d’origine. Il poursuit ensuite en France une formation initiale d’ingénieur décrochée à l’école nationale des ponts et chaussées. Après une première vie professionnelle à la direction d’une entreprise de production de phosphates au Maroc, il part au Royaume-Uni où il obtient un doctorat en sciences économiques. Voyageur à la conquête de nouvelles compétences, il s’installe à Amsterdam où il enseigne les sciences de l’environnement.
Parallèlement à sa vie d’homme de sciences, de chiffres, de préoccupation environnementales, Fouad Larousi se consacre à l’écriture. Il s’y exerce et y excelle dans bien des genres : nouvelles, romans, chroniques, albums jeunesse, sans même parler de ses nombreuses critiques littéraires pour différents médias.
Il trustera de nombreux prix comme en atteste un extrait de sa bibliographie.
En octobre 2014, il reçoit le Grand prix Jean Giono pour le roman « Les tribulations du dernier Sijilmassi ».
On lui doit, entre autres productions :
- Les Dents du topographe (Julliard, 1996) : Chronique d’un jeune au Maroc. Prix Découverte Albert-Camus.
- De quel amour blessé (Julliard, 1998) :roman. Prix Méditerranée des lycées, prix Radio-Beur FM.
- Méfiez-vous des parachutistes (Julliard, 1999) :
- La Meilleure Façon d’attraper les choses (Yomad, 2001). Album jeunesse illustré par Pierre Léger. Prix Grand Atlas 2005
- Le Maboul (Julliard, 2000) : recueil de nouvelles
- La Fin tragique de Philomène Tralala (Julliard, 2003).
- Chroniques des temps déraisonnables (Zellige ; Tarik, 2003) : chroniques
- Tu n’as rien compris à Hassan II (Julliard, 2004) : recueil de nouvelles. Grand prix SGDL de la nouvelle, 2004.
- De l’islamisme. Une réfutation personnelle du totalitarisme religieux : essai. (Robert Laffont, 2006).
- L’Oued et le Consul (Julliard, 2006) : recueil de nouvelles.
- L’Eucalyptus de Noël (Yomad, 2007) : album jeunesse illustré par Nathalie Logié.
- La femme la plus riche du Yorkshire (Julliard, 2008) : roman.
- Le jour où Malika ne s’est pas mariée (Julliard, 2009) : nouvelles.
- Des Bédouins dans le polder. (Zellige, 2010).
- Une année chez les Français (Julliard, 2010) : roman. Prix de l’Algue d’or Saint-Briac sur mer, France 2011)
- Le Drame linguistique marocain (Zellige ; Le Fennec, 2011) : essai11.
- La Vieille Dame du riad (Julliard, 2011) : roman
- Le jour où j’ai déjeuné avec le Diable (Zellige, 2011) : chroniques
- L’Étrange Affaire du pantalon de Dassoukine (Julliard, 2012) : nouvelles
- Du bon usage des djinns (Zellige, 2014) : chroniques
- Les Tribulations du dernier Sijilmassi (Julliard, 2014) : roman
- Une lecture personnelle d’Averroès (Éditions universitaires d’Avignon, 2014) : essai
- D’un pays sans frontières (Zellige, 2015) : essai
- L’Oued et le Consul (Flammarion, 2015) : nouvelles
- Ce vain combat que tu livres au monde (Julliard, 2016) : roman
- L’insoumise de la Porte de Flandre (Julliard, 2017) : roman
Citations:
- ça me rappelle plutôt la phrase de Cocteau : « Ces événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs. » N’est-ce pas là l’attitude constante du Makhzen*? [* forme d’Etat spécifique au Maroc, qui comprend le Palais, les courtisans, l’appareil d’Etat, les élites rurales, etc. selon le glossaire en fin de volume]
- N’attribuons pas à la méchanceté ce qui s’explique aisément par la stupidité.
- Le voile était ainsi apparu, qui n’était jusque-là porté que par les grands-mères. Puis le niquab, puis la burqa, selon le principe bien connu : « Je suis plus pieux que toi, gugusse, car je vais plus loin dans l’observance de dogme. » Cette émulation crétine avait transformé en linceuls ambulants des jeunes filles dont les mères avaient porté des jupes et des chemisiers, et s’étaient promenées les cheveux au vent, par les rues et les chemins.
- On ne gagne pas contre celui qui refuse le combat, contre celui qui a renoncé.